Saviez-vous que vous et moi avons peut-être un ancêtre commun qui s’appelle Ida?
L’expression « chaînon manquant » désigne une forme de vie transitionnelle dans la théorie de l’évolution: un être vivant qui conserve certains attributs primitifs de ses origines tout en présentant des caractéristiques nouvelles démontrées par l’espèce vers laquelle elle évolue. Bien que nébuleuses et arbitraires, ces conceptions du «chaînon manquant» restent toutefois très populaires et sont couramment utilisées dans les médias, notamment lors de découvertes de nouvelles espèces fossiles.
En 1983, un fossile animal fort inusité fut découvert en Allemagne. Or comme il était en la possession d’un collectionneur privé qui en a gardé le secret pendant plus de vingt ans, ce n’est qu’en décembre 2006 que la créature fut vendue au paléontologue norvégien Jørn Hurum, du Natural History Museum de l’Université d’Oslo, pour une somme de un million de dollars (USD).
Parce que Darwinius Masillae serait parmi les rares empreintes paléotologiques à pouvoir se hisser au très sélect club des ancêtres de la lignée des humains, l’étude de ce fossile, publiée en 2009, soulève encore aujourd’hui plusieurs débats.
Comment, en effet, oser croire que cette petite femelle -qu’on a prénommée Ida- serait une vieille aïeule de 47 millions d’années? Sauf que… les faits sont troublants. Comme le corps de l’animal a séjourné toutes ces années dans la boue et sous l’eau, outre ses os, Ida a également (phénomène rare) conservé une partie de ses tissus mous ainsi que des traces de sa fourrure, de même que quelques restes de son dernier repas de fruits, de graines et de feuilles. L’animal mesurait environ 58 cm (23 pouces) du nez à la queue, soit environ la taille d’un chat, mais comme, au moment de sa mort, elle n’était âgée que de 9 à 10 mois, on estime qu’elle ne devait avoir atteint que 80% de sa taille d’adulte.
À prime abord, le squelette de la créature ressemble sensiblement à celui d’un lémurien moderne, mais les chercheurs ont rapidement constaté que certaines caractéristiques d’Ida ne correspondent en rien à celles du lémurien. Contrairement à ce dernier, Ida ne possède pas de griffe de toilettage sur ses pattes inférieures, ses mains ont des pouces opposables et des ongles plutôt que des griffes, son crâne ressemble davantage à celui des hommes, sa mandibule, ses dents, son oreille interne et les os de son pied, qui lui permettaient de marcher sur deux pattes, également.
Triomphalement classée en tant que membre de la famille des primates Notharctidae et dans la sous-famille Cercamoniinae, Ida possède vraisemblablement toutes les caractéristiques d’une forme de vie transitionnelle importante, celles d’un anthropoïde de la lignées de primates à l’origine de l’homme moderne.
Ne ressemblerait-t-elle pas d’ailleurs un peu à cette vieille tante Edwina?